« L’apprentissage » est au cœur de l’actualité en ce moment. Le mois de septembre est, en effet, le mois de la publication des premières offres d’apprentissages pour la rentrée 2015. C’est aussi le mois choisi par Rudolf Strahm, l’ancien «Monsieur Prix » pour sortir son livre-plaidoyer en faveur de la formation duale.
La question de l’apprentissage est également au cœur de « mon actualité » car je ne peux m’empêcher de m’interroger devant l’intérêt décroissant des jeunes à choisir cette voie.
Mon sentiment subjectif et partiellement représentatif, se vérifie à la lumière des faits. Les chiffres montrent que le nombre d’étudiants choisissant les études ne cesse d’augmenter tandis que le chiffre des apprentis stagne depuis 1986.
Même s’il s’agit de l’option la plus adaptée à leur profil de personnalité, d’intérêt et d’aptitudes, les jeunes semblent de plus en plus prêts à tout pour repousser cette confrontation avec le monde du travail. Ils sont généralement empruntés de dire clairement que quitter ses amis, avoir des journées plus longues, des vacances plus courtes,… ce n’est pas très attrayant. Du coup, ils déguisent ce choix en un soudain attrait pour les études, qui apparaît magiquement même chez ceux qui n’ont jamais trop aimé l’école. En réalité, ils ont souvent peur. Peur de grandir, peur d’assumer des responsabilités, peur du changement, peur de l’inconnu tout simplement. A nous parents de les rassurer et de leur expliquer que si la peur est un sentiment tout à fait légitime, elle ne doit pas prendre le dessus. Il ne s’agit pas de promouvoir l’apprentissage à tout prix, mais de s’assurer que le jeune ne passe pas à côté d’une voie de formation qui aurait été plus pertinente et épanouissante pour lui.
Il se trouve que même certains d’entre nous, parents, nourrissons certaines réticences vis-à-vis de l’apprentissage. Je me rappelle quand mon fils avait 4 ans avoir entendu un camarade lui dire : « mon papa y di que si je va pas au gymnase j’aura pas un bô métier ». Tandis que d’autres parents m’ont clairement dit qu’il n’était pas question que leur fils s’abaisse à faire un CFC. Projections de notre propre parcours, envie d’offrir à nos enfants la chance que l’on n’a pas eue, méconnaissance des possibilités offertes par cette filière… les raisons sont diverses… cet article vous propose un complément d’informations en passant en revue quelques préjugés à la dent dure :
1° L’apprentissage c’est pour les manuels.
VRAI pour certaines professions qui valorisent tout particulièrement les habiletés manuelles. Mais c’est FAUX d’en faire une généralité : certaines formations valorisent les compétences sociales, tandis que d’autres sont plus axées sur les habiletés techniques, etc…. L’offre est tellement vaste (250 formations) que chaque profil peut trouver une manière de valoriser ses compétences.
2° L’apprentissage c’est réservé aux étudiants de VSG (Voie secondaire générale)
FAUX. Le fait d’intégrer l’une ou l’autre filière au secondaire, n’est pas définitivement déterminante de la suite de votre parcours. Si certains élèves de VSG, vont faire une passerelle et rejoindre le gymnase, il est tout à fait cohérent que des élèves en voie bac (VSB) – qui porte très mal son nom – choisissent d’effectuer un apprentissage. Dans certains domaines, il est d’ailleurs exigé des apprentis qu’ils aient suivi un cursus VSB ou qu’ils aient de très bons résultats en VSG.
3° L’apprentissage c’est pour ceux qui n’aiment pas l’école.
VRAI et FAUX. Si un jeune a peu d’intérêt pour les contenus théoriques, peu de goût pour les études, ou qu’il supporte mal d’être assis toute la journée, il pourrait éprouver un certain soulagement en choisissant la voie du CFC. Cependant, la dimension théorique reste présente et le jeune qui pense en avoir fini avec les « devoirs » se trompe. Ce leurre qui amène les jeunes à sous-investir les aspects théoriques est bien souvent la cause des échecs de première année.
4° L’apprentissage c’est pour les garçons.
FAUX. Si 2/3 des apprentis sont des garçons, les filles peuvent tout à fait s’épanouir en choisissant ce type de cursus. Si les garçons trouvent souvent plus rapidement une place c’est que l’offre pour les métiers fréquemment choisis par les filles est plus limité, tels que les métiers de la santé par exemple. Une année de transition est donc parfois nécessaire.
5° Faire un apprentissage c’est choisir un métier pour la vie et donc restreindre ses choix.
FAUX. Certes le choix d’un apprentissage n’est pas anodin puisqu’il définira notre première identité professionnelle. Il est donc important de le choisir avec soin et non pas « par élimination ». Cependant, les offres de perfectionnement sont telles qu’il y a toujours une possibilité d’entreprendre un complément de formation si vous souhaitez opérer une bifurcation professionnelle. A ce titre, la maturité professionnelle est un réel gage de diversité puisqu’elle permet d’intégrer par la suite un large panel de formation en HES dont certaines en cours d’emploi.
Le fait de changer d’employeur peut être un autre moyen de découvrir des contextes professionnels divers et des facettes différentes du métier exercé.
6° En faisant un apprentissage on a une carrière moins intéressante.
FAUX. Les compétences et savoir-faire développés au cours d’un apprentissage sont très appréciés des recruteurs. Elles permettent de décrocher rapidement un premier emploi. De plus, les offres de perfectionnement sont nombreuses, que ce soit par le biais d’un brevet ou d’un diplôme fédéral. Les possibilités de mobilité interne sont également envisageables pour diversifier sa carrière et poursuivre son développement. Une étude récente a démontré qu’en poursuivant sa formation initiale par une HES, un apprenti a plus de chance d’obtenir un poste à responsabilités qu’un étudiant qui sort de l’université.
Qui plus est, il n’y a pas de poste ou de métier « intéressant » en soit, il n’y a que des postes susceptibles de NOUS intéresser, à chacun de trouver lesquels.
7° En faisant un apprentissage je gagnerai moins bien ma vie.
FAUX. Certes, certaines études montrent que le niveau d’étude est corrélé à la rémunération, mais l’expérience compte elle aussi et il n’y a pas de règle fixe et figée. En admettant que vous rejoignez le monde du travail 10 ans plus tôt que des jeunes suivant une filière universitaire, vous aurez plusieurs années de salaire « d’avance » durant lesquels votre rémunération aura peu à peu augmenté.
Pour prétendre de manière plus certaine à une progression salariale, il reste judicieux d’envisager une maturité professionnelle puis une formation HES. Sachant que les derniers chiffres de l’office fédérale de la statistique ont montré qu’un diplômé de HES gagne annuellement 11’000 francs de moins qu’un titulaire d’un bachelor universitaire, et il a plus de chances de trouver un emploi dans l’année qui suit la fin de ses études.
8° Faire un apprentissage, c’est faire le grand saut dans la vie active.
VRAI et FAUX. Il est vrai qu’un apprenti intègre généralement une entreprise et se retrouve lié à son employeur par un contrat qui induit des droits comme des obligations. Mais il reste un « apprenant » qui est en formation et les exigences à son égard doivent être adaptées. Evidemment en faisant un apprentissage on devient « actif », ce qui oblige à sortir d’une certaine passivité dans laquelle certains adolescents tendent à se réfugier.
Pour certaines formations, il existe également la possibilité d’effectuer sa formation en école des métiers.
9° Trouver une place d’apprentissage c’est la galère.
FAUX. A condition de savoir s’y prendre et s’y prendre bien en avance. Dès la publication des offres (mois de septembre de l’année précédente) il faut faire ses premières postulations. Il y a effectivement une régulation du marché qui fait que les entreprises forment des apprentis dans les secteurs où ils ont besoin de main d’oeuvre. Il s’agit là d’un très bon rempart contre l’augmentation du chômage dont certaines filières universitaires pourraient s’inspirer. Certes, certaines places sont plus rares et très prisées, mais il faut savoir que chaque année, certaines places restent vacantes. En 2013, 8’500 places n’ont pas été attribuées.
J’espère avoir contribué par ces quelques points à valoriser l’image de l’apprentissage. Je rajouterai encore, pour terminer, qu’à l’âge de l’adolescence où la confrontation avec les parents est fréquente, une formation en entreprise peut avoir un effet cadrant salvateur. Si le maître d’apprentissage est adéquat, le jeune peut expérimenter une nouvelle forme d’interaction avec une tierce personne de référence qui a des attentes mais aussi des devoirs envers lui. La découverte de la notion de « contrat » – trop peu utilisée dans les milieux scolaires – et un bon moyen de préparer nos jeunes à devenir adulte.
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